Douleur abdominale déchirante
Carte d'appel
Code Clawson : 26-D-1 (Douleur abdominale sévère, non traumatique)
Heure de l’appel : 10 h 44
Âge et sexe du patient : Homme de 58 ans
Lieu de l’intervention : Domicile – salon
Déclaration de l’appelant : « Mon conjoint a très mal au ventre et au dos, il sue, il ne peut plus se lever. Il dit que ça lui déchire l’intérieur! »
Mise en situation
Pierre, homme de 58 ans, a été pris d’une douleur brutale et intense dans le bas du dos pendant qu’il jardinait. En quelques secondes, la douleur s’est propagée à l’abdomen, qu’il décrit comme une sensation de déchirure, « comme si quelque chose avait craqué ». Il est ensuite tombé au sol, incapable de se relever.
Sa conjointe l’a aidé à s’installer dans le canapé, en position fœtale, où il reste agité, pâle et en sueurs. Il se plaint aussi de nausées et de vertiges lorsqu’il tente de bouger. Aucun traumatisme récent n’est rapporté.
Il a des antécédents d’HTA et d’hypercholestérolémie, mais il ne prend pas toujours ses médicaments de manière régulière selon sa compagne.
Examen primaire (LABCDE)
L : Alerte, répond adéquatement, visiblement en détresse
A : Voies respiratoires dégagées
B : Respiration rapide, sans signe de détresse respiratoire
C : Pouls 118 bpm, TA 160/100 mmHg, peau pâle, moite, remplissage capillaire > 3 sec
D : Pupilles normales, pas de signes neurologiques
E : Abdomen distendu, douleur sévère au palper profond
Signes vitaux
Pouls : 118 bpm, régulier
SpO₂ : 96 % à l’air ambiant
TA : 160/100 mmHg
FR : 22/min
Température : 36,7 °C
Glycémie : 5,5 mmol/L
Anamnèse
O (onset) : Début soudain pendant une activité physique modérée
P (provocation/palliation) : Aucune position ne soulage, douleur constante
Q (qualité) : Déchirante, transfixiante
R (irradiation) : Du bas du dos vers l’abdomen
S (sévérité) : 10/10
T (temps) : Depuis environ 20 minutes
U (you) : Douleur jamais ressentie auparavant
S (signes/symptômes) : Nausées, sueurs froides, vertiges
A (allergies) : Aucune connue
M (médicaments) : Ramipril (non pris régulièrement), atorvastatine
P (passé médical) : HTA, hypercholestérolémie
L (last meal) : Petit déjeuner à 8 h
E (événements) : Douleur apparue brusquement en se penchant pour jardiner
R (facteurs de risque) : HTA mal contrôlée, âge, sexe masculin, sédentarité
Examen secondaire
Inspection abdominale : Abdomen légèrement distendu, pas d’ecchymose ni de masse pulsatile visible
Palpation abdominale : Douleur sévère au quadrant médian inférieur, sans rigidité mais forte hypersensibilité
Auscultation abdominale : Bruits normaux
Pulsations abdominales : Battement profond palpable, mais non visible
ECG 12D : Tachycardie sinusale, aucun signe d’ischémie
Auscultation pulmonaire : Normale
État neuro : Aucun déficit moteur ou sensitif
Traitement et technique
Position semi-assise si tolérée, sinon décubitus dorsal avec jambes fléchies
Oxygène au besoin pour maintenir SpO₂ > 94 %
Surveillance continue des signes vitaux et du niveau de conscience
Aucun liquide PO
Transport URGENT (10-30) avec préavis au centre receveur (possibilité de rupture d’anévrisme de l’aorte abdominale)
Ne pas retarder le transport pour des examens non essentiels sur le terrain
Évolution du cas
Durant le transport, Pierre demeure conscient mais très douloureux. Son pouls augmente à 128 bpm, la pression artérielle chute progressivement à 135/90 mmHg, sans perte de conscience. Il est transféré avec suspicion d’AAA symptomatique, nécessitant une évaluation chirurgicale urgente.
Hypothèses cliniques à considérer
Anévrisme de l’aorte abdominale (AAA) en rupture imminente ou partielle
Colique néphrétique (moins probable, douleur moins transfixiante)
Ischémie mésentérique
Pancréatite aiguë
Dissection aortique descendante
💡 Point pédagogique : Une douleur abdominale déchirante irradiant au dos chez un homme de plus de 50 ans avec HTA doit toujours faire soupçonner un anévrisme aortique. La rapidité d’intervention et la reconnaissance des signes précoces peuvent faire la différence entre vie et mort.